J'étais décidée à rentrer à pied de l'Université. Un peu de sport ne me ferait pas de mal et avec ce froid, j'allais devoir marcher vite. J'essayais aussi de ne penser à rien, mais ça ... c'était peine perdue. J'étais heureuse que nous ayons trouvé cette ville si sublime où nous poser, mais j'avais peur ... Peur que certaines choses dépassent notre contrôle, surtout pour moi, pauvre et simple humaine.
Je marchais très vite vers une route bordée d'arbres de part et d'autre, sacrément vide. Et tout en marchant, bien que j'étais plongée dans mes pensées, j'eus la nette sensation que quelqu'un me suivait. Pourtant, je n'osais pas me retourner. Car il y avait un tel silence que je pouvais entendre le léger frottement de mes pas dans la neige.
Et puis, qui aurait voulu me suivre ? Je faisais partie de la famille Cullen et les gens se méfiaient naturellement de nous. Pour preuve, j'étais enchantée que mes cousines aillent à l'Université car sans elles, je n'étais pas certaines de savoir me faire beaucoup d'amis...
Pour faire disparaitre mon stress idiot, je me concentrais sur les immenses sapins que la neige recouvrait d'un léger manteau blanc. Il n'y avait vraiment aucune crainte à avoir. Aucune... Tout était beaucoup trop beau pour que je sois en danger.

J'avais bien fait de me déplacer en personne. Mes espions m'en avaient parlé, mais je n'arrivais pas à y croire. Les Cullens avaient adoptés des humains et s'étaient exilés au Canada pour échapper à notre contrôle. Quelle prétention ! Comme si c'était possible.
Mon chauffeur et espion, m'avait conduit sur la route qu'empruntait l'une de ces humaines adoptées par les Cullens. J'étais descendu de la voiture et lui avait donné l'ordre de m'attendre non loin. Il n'avait pas fallu plus d'une minute pour sentir la délicieuse odeur de la jeune fille : odeur imprégnée par celle des Cullens.

Cette enfant, Eloïne d'après mes informateurs, était réellement l'une des leurs.
Mais pour qui se prenaient les Cullens ? Pourquoi ne pas ouvrir un orphelinat ? Et révéler à la surface du monde notre existence ?
Ce clan passerait décidément l’éternité à nous outrager. Mais pas sans punition. Ces idiots ne savaient même pas protéger leurs rejetons...

Je m'approchais de la jeune fille. Elle avait une peau exquise. Blanche comme la neige. Et des cheveux de soie châtains clair. J'en avais l'eau à la bouche.
Mais j'allai devoir me contenir, la tuer serait trop simple. Délicieux certes, mais beaucoup trop simple. Non, j'allai m'amuser.

Je décidai de sortir de l'ombre pour me rendre visible.

-Bonjour Eloïne, dis-je d'une voix doucereuse dans le dos de l'enfant.

Je n'avais pas rêvé. J'arrêtai net mon pas lorsque j'entendis une voix glaçante derrière mon dos. J'étais en danger. Mon instinct ne m'avait pas trompé. Cette voix... je ne la connaissais pas mais tout mon corps s'était contracté.
Je me retournai lentement.
L'homme derrière moi avait une peau blanche, froide, un visage parfait, des yeux... rouges.
Je savais parfaitement ce que ça signifiait, jamais je n'aurais pu oublier les yeux de mes tortionnaires, lorsque, toute petite j'avais été enlevée. C'était un vampire sanguinaire. Contre de ce genre de vampire, seule, je n'avais aucune chance. J'étais plus faible qu'un brin d'herbe.
Fuir était la dernière chose à faire. Le vampire pourrait me rattraper sans le moindre effort. J'allai mourir.

-Bonjour, dis-je avec tout le courage dont je fus capable. Qui... qui êtes vous ?

La jeune femme se retourna et je vis dans son regard qu'elle avait compris. Elle avait compris qu'elle allait mourir. Ou tout au moins, qu'elle ne se sortirait pas de cette entrevue indemne. C'était le moins qu'on puisse dire.
Je m'approchai, elle était statufiée par la peur. Je posai un doigt sur sa joue, chaude et lisse. Incroyablement douce. Cela me donnait terriblement soif. Mon regard empli du désir de la boire croisa le sien. Elle était la proie, elle le savait.

-Les Cullens ont bon goûts. Mais je ne sais comment ils parviennent à s'infliger cette torture, jour après jour, minute après minute. Alors que ton sang doit être un délice sans nom.

Sa peau était fine, blanche... Je devinais son sang sucré.
Je fermai brièvement les yeux. Il fallait que je me concentre, je n'étais pas un animal. Même si ce pays froid avait tendance à me creuser.

Je pris l'une de mains de la jeune fille. Aussitôt, toute sa vie défila devant mes yeux. Son enfance heureuse en France, son enlèvement par des vampires sanguinaires, le temps passé dans une cave à attendre la mort, puis l'arrivée des Cullens, venus pour les sauver. Son amour, immense, incommensurable, pour sa famille adoptive. Sa vie heureuse depuis.
Mais je voyais aussi ses secrets les plus infimes. Ses désirs et ses peurs. Elle n'était pas simplement une jeune fille, elle était intelligente et complexe. Sublime, forte, généreuse. Une génétique qui m'inspira aussitôt.
Je rouvris les yeux et lui souris.

-Calme toi, tu ne vas pas mourir. Pas après ce que je viens de voir...

Je ne voulais pas mourir. Mais j'avais vécu tellement de belles choses. Mes débuts avaient été très modestes, j'aurais dû mourir dans cette cave. Mais les Cullens m'avaient sauvée. Depuis, je n'avais eu qu'un bonheur sans borne. Un bonheur auquel peu de gens avaient pu goûter. Une famille parfaite. Beaucoup d'amour. Ce n'était pas des vampires. C'étaient des anges.
Certes, il y avait beaucoup de choses que j'aurais encore aimé vivre. Mais si mon heure était venue, je n'avais pas le droit de me plaindre.
J'essayais de rester immobile, courageuse, même si mon corps tremblait comme une feuille en pleine tempête.
Le vampire parla de moi comme d'un aliment. Je frémis. Il allait me dévorer, mais il semblait enclin à prendre son temps. Pourquoi ? Pourquoi maintenant ?
J'essayai de rester courageuse. Mourir digne. C'était mon seul but. Mais pourquoi ma mère n'avait pas vu ce qui allait arriver ? Elle avait des visions sur à peu près tout. Lui était-il arrivé quelque chose pour qu'elle ne puisse pas intervenir. Après tout, c'était le premier vampire sanguinaire que je croisais dans le coin. La panique pour ma famille me submergea.
Le vampire attrapa soudainement ma main et ferma les yeux. Lorsqu'il les rouvrit, je me sentie comme nue devant lui.

-Vous êtes Aro, réalisai-je complètement statufiée.

Avec sa main toujours dans la sienne, je pouvais me voir à travers ses yeux, suivre le cours de ses pensées. Je lui faisais peur, elle me trouvait incroyablement beau, elle se pensait sur le point de mourir, elle voulait rester digne, et elle avait peur pour sa famille, ce qui était complètement étonnant, compte tenu de sa position des plus précaires.

-Tu es intelligente, répondis-je doucement en lâchant ses doigts. Oui je suis Aro. Ta famille t'as parlé de moi à ce que je vois... Même si d'après tes souvenirs leurs termes ne furent pas très élogieux.

Je la regardai, respirant son odeur à se damner.

-Tu ferais une belle immortelle.

J'avais lu dans toutes ses pensées. Je savais qu'elle rêvait de devenir un vampire, même si cela l'effrayait.

-Mais j'ai d'autres projets pour toi.

Sa façon de penser, son courage ... certaines opinions me rappelait quelqu'un que j'avais rencontré récemment. Un magnifique spécimen de modificateur que mes sbires torturaient tranquillement depuis des semaines. L'idée m'était venu quasiment dès que je l'avais touchée. Cette humaine avait une génétique incroyable. Lui aussi. Peut-être était-elle la clef. Quelque chose me disait qu'il ne pourrait pas se résister l'un à l'autre. Et j'étais souvent bon juge. Bien sûr, leur stupide grandeur allait les pousser à refuser, mais j'aurais des arguments. Mon plan pervers me plaisait de plus en plus.

-Tu va venir avec moi Eloïne.

Aro me lâcha et se mit à parler. Lorsqu'il évoqua ma possible transformation, l'espoir se fraya un chemin en moi. Il n'allait peut-être pas me tuer ... Me transformer si vite serait peut-être terrible et l'être pas un sanguinaire au lieu de ma famille aimante n'allait pas me réjouir, mais c'était mieux que la mort non ?
En prime, j'avais passé mon existence à rêver de devenir comme mes parents. C'était le moment. Même si c'était la mauvaise personne.
Sauf que non. Aro voulait ... m'emmener...

-Pardon ? Pourquoi ? ... Pourquoi vous ne me tuez pas ? Je n'ai aucune espèce d'importance pour vous. Je ne comprends pas.

J'étais peut-être en train de creuser ma tombe. Mais être torturée par la peur n'était pas mieux.

La délicate jeune fille souffrait le martyre d'être ainsi l'objet de mon amusement. Elle ne savait pas quand ni comment j'allai la tuer. Dommage pour moi, je n'avais pas prévu de la tuer tout de suite. Pourtant, ma plus grande hâte était de goûter son sang. La transformer aussi était une option intéressante. Mais même sous forme de vampire, je craignais qu'elle ne se rebelle. Un peu comme son pendant masculin prisonnier dans mes cachots. Même en la torturant elle ne m'offrirait jamais sa fidélité en tant que vampire.
Non, en vérité, tout ce que je pouvais obtenir d'elle d'intéressant, se situait dans son corps d'humaine.

-Détrompe toi, les humains sont insignifiant mais bien utilisés, ils peuvent contribuer aux plans les plus brillants.

Je souris avant d'ajouter :

-J'ai besoin d'une humaine pour mettre au point un projet qui me tient fort à cœur. Réjouis toi, ta beauté et ton esprit me plaisent. Tu as l'honneur d'être choisie. Malgré le portrait de roi instable que m'a fait ta famille, tu as bien compris combien j'étais puissant...

Je lui tendis la main.

-Viens avec moi Eloine, je promets que tu seras traitée aussi délicatement que possible. Et, bien entendu, tu sais que tu n'as pas le choix. Je suis cependant un grand fervent de la méthode douce.

Je l'écoutais me parler, de plus en plus ahurie.

-Je ne comprends pas, vous ne comptez pas me tuer ?

Je secouai la tête, perdue devant sa main tendue.

-Vous savez que je ferais tout ce que vous voulez pour protéger ma famille. N'importe quoi. Mais je ne suis pas en mesure de marchander, n'est-ce pas ? Alors pourquoi me proposer ?

Je regardais autour de nous, le vent soufflait de plus en plus fort, j'étais totalement perdue.

-Dites moi la vérité, même si vous ne me devez rien, même si je ne suis qu'un moucheron. Qu'avez vous fait ou qu'allez vous faire à ma famille ? Puis-je y changer quelque chose ?

J'écoutais Eloïne avec intérêt. Son courage me plaisait. Peut-être qu'avec le temps, je parviendrais à lui laver le cerveau, lui faire oublier ces stupides Cullens et la rallier à ma cause. Il faudrait des années, peut-être même des siècles après sa potentielle transformation, et l'aide de Shelsea, mais pourquoi pas ? J'étais la patience incarnée.

-Voilà beaucoup de questions ma jolie, sortant d'une bouche et d'un corps pourtant si fragiles ...

Je m'approchai d'elle et effleurai ses cheveux de mes doigts.

-En vérité, je n'ai rien fait du tout à ta famille. Et pour ce qui est de l'avenir, je ne suis pas encore décidé. Tu dois être troublée que ta mère adoptive ne soit pas là pour te sauver. Je pourrais te mentir. Te dire qu'elle a tout vu de cet instant, mais qu'elle a préféré te sacrifier pour le bien de la famille. Sauf que je n'ai aucune envie de te mentir.

Je m'approchai de son visage et caressai délicatement sa joue.

-Je ne te mentirais jamais Eloïne. Je suis un monstre pour toi. Je tue et je détruis. Mais j'aimerais que tu goûte à ma vision du monde. Peut-être que cela changerait la tienne, si étriquée par la domination des Cullens sur ton âme.

Je soulevais son menton d'une main et posai délicatement mes lèvres sur les siennes. Ce geste réveilla ma soif en un instant. Sa peau était douce et tiède et le désordre de ses pensées m'amusa beaucoup.
Je stoppai ce baiser avant de risquer de la mordre. Je lui souris davantage.

-Tu sais que les modificateurs brouillent les visions d'Alice ? Ces derniers temps, j'en ai enlevé beaucoup, et je les trimbale, à moitié assommés partout avec moi, pour que ta chère mère adoptive ne puisse connaitre mes décisions. Voilà grâce à quoi je vais pouvoir t'emmener. Et, tout comme ces créatures, tu va participer au plan qui est de protéger éternellement mes secrets.

Plus j'écoutais Aro parler, plus je nageais dans l'incompréhension. Pourquoi me parlait-il autant ? Pourquoi m'expliquer toutes ces choses ? Comme si j'étais digne de respect...
Il y avait quelque chose qui m'échappait. Forcément. J'ignorais encore quoi, mais c'était certain. Une chose par contre était très claire : je n'allai jamais plus revoir ma famille. Mes décisions, mes choix, mes réactions n'appartiendraient alors plus qu'à moi seule. J'allai devoir, seule contre tous, déjouer les pièges, trouver une façon de m'en sortir. Mais Aro ne semblait pas encore décidé à me tuer, ce qui était un bon point.
Plus il parlait, plus il se rapprochait de moi et me parlait, pas seulement comme s'il voulait me tuer, mais aussi ... me séduire.
Je n'y comprenais absolument rien. Bien sûr, il savait que je le trouvais magnifique, il avait lu dans toutes mes pensées. Peut-être voulait-il s'amuser avec moi, il avait pu voir comme j'étais ignare dans bien des domaines.
Soudain, il m'embrassa, je restai figée, sentant ses lèvres froides envelopper les miennes. Cela me fit un très drôle d'effet. Il savait parfaitement que personne ne m'avait jamais embrassé, l'avait-il fait exprès ?
Il se recula, et termina son explication. Pauvres loups qui subissaient sa cruauté. Et il voulait que je participe à tout cela ? Mais pourquoi ?

-Pourquoi ... Pourquoi moi ? finis-je par dire complètement troublée. Vous prétendez que les humains peuvent être utiles, mais il existe des humains sur terre tellement plus... intéressants que moi. Pourquoi moi ? Pourquoi m'expliquer tout cela ? Je sais que je ne suis rien pour vous. Et je ne souhaite pas être davantage. Je ne comprends pas pourquoi vous ne m'avez toujours pas tuée. Même si, vous savez que je respecterais jusqu'à ma mort le secret sur votre race et tout le reste d'ailleurs.

-Je te l'ai dis Eloïne, tu me plais ! Et tu as une bien piètre opinion de ta valeur ! répondis-je face à l'incompréhension de la jeune fille.

Elle était troublée par mon comportement, perdue, j'aimais sa façon de raisonner. J'aimais le goût de ses lèvres et le parfum de ses cheveux aussi, mais je m'égare.

-Il se trouve que j'avais justement besoin d'une humaine. J'étais venu pour prendre des nouvelles des Cullens. Je vois que la désobéissance est toujours une habitude chez eux. Ils ont besoin d'une punition, tu en conviendra. Que tu sois parfaite pour jouer le rôle dont j'ai besoin est une surprise pour moi aussi. Une agréable surprise. Je joins l'utile à l'agréable en t'emportant avec moi. Les Cullens n'apprécieront pas, mais je ne compte pas te tuer si tu restes suffisamment censée pour le mériter. Donc, tu avouera que la punition est assez légère ? Maintenant, nous avons perdu assez de temps en bavardage. Je vais t'emmener dans ma voiture. Nous partons pour Volterra.

Je saisi sa main, et fit un signe de mon autre main au chauffeur qui avancait déjà vers nous.

-Tu verras, tu finiras par prendre goût à me servir, comme ce fût le cas pour notre baiser.

Les explications d'Aro me paraissaient étranges, mais après tout, je n'avais rien à dire. Il était la force et la suprématie, je n'étais...rien du tout. Il prétendait que je lui plaisais mais j'avais plutôt l'impression que c'était un moyen de me manipuler. Je ne commentai donc pas. J'avais aussi envie de lui dire que je n'avais pas aimé ce baiser provenu d'un être sanguinaire qui torturait des innocents pour son bon plaisir, mais je ne dis rien. Il pouvait lire dans mes pensées. Peut-être même que ce pouvoir lui permettait d'affirmer mieux que moi que j'avais aimé ce baiser. Après tout, la peur m'avait un peu empêché de comprendre les autres sensations qui s'étaient débattues en moi.
De toute façon, peu importait ce que je ressentais, j'étais sa prisonnière et j'allai devoir me la fermer.